Q uelle qualité pourriez-vous attribuer à votre enfant ? », interroge le juge Mauchard. À la barre du tribunal de Sarreguemines, la mère de famille réfléchit longuement en silence. « Je ne sais pas… » finit-elle par lâcher. Tout au long de l’enquête et vendredi à l’audience, elle décrit son fils, 15 ans aujourd’hui, comme « manipulateur, voleur, tordu, délinquant et violeur en puissance, psychopathe, vide de l’intérieur ».
Pour le punir, la maman reconnaît quelques gifles, « mais si j’avais dû le gifler à chaque bêtise qu’il a faite, il aurait eu des traces », éructe-t-elle à la barre.
« De toute façon, je ne suis que sa mère biologique », souffle la maman. « Faux , répond le président. Il dit qu’il vous aime mais qu’il n’a jamais eu droit à de l’affection ». Et de citer les expertises psychiatriques qui décrivent Pierre comme un enfant « hypermature, affichant une froideur affective, ayant souffert de maltraitance affective et physique ». Aujourd’hui placé dans un foyer, l’adolescent souffre encore de boulimie et de crises d’angoisse.
Giflé pour des « bêtises »
La famille vit dans une petite commune du pays de Bitche. Pierre (*) est né en 2002 suite à une grossesse non désirée. En 2009, la maman refait sa vie avec un nouveau compagnon. Dans les années qui suivent, et surtout d’octobre 2014 à juin 2015, l’enfant, alors âgé de 12 ans, subi le dénigrement au quotidien. « Certes, il reconnaît lui-même qu’il n’est pas un ange, admet le président Mauchard à la lecture du dossier. Mais il n’a pas commis d’infractions, juste des bêtises ». Des mensonges, le vol du portable (inutilisable) de son petit frère, le vol du téléphone d’un copain, du chapardage dans la cave ou les placards de la maison.Pour le punir, la maman reconnaît quelques gifles, « mais si j’avais dû le gifler à chaque bêtise qu’il a faite, il aurait eu des traces », éructe-t-elle à la barre.
Enfermé à clé dans sa chambre
Mais en 2014 et 2015, une autre punition prend le relais : Pierre est consigné dans sa chambre « pour réfléchir ». Mais le gamin explique être enfermé régulièrement à clé, la journée et la nuit, prendre ses repas seul. Il ne peut pas se rendre aux toilettes ; la grand-mère fournit alors une bouteille et des sacs en plastique pour qu’il puisse faire ses besoins. « Il n’était pas toujours enfermé. Mais il mettait tout le monde en danger », se justifie la maman. « C’est un enfant si dur que la réaction était justifiée », appuie le beau-père.Principes éducatifs ?
Le président Mauchard bombarde le couple de questions, les poussant dans leurs derniers retranchements. « Dire à votre fils qu’il finira en prison, violé par des pédés et des noirs, vous trouvez que c’est un principe éducatif ? », gronde-t-il. « Il avait 13 ans, il faut dire certaines réalités », répond la mère. « Il mentait tout le temps, il fallait tout le temps lui répéter de tirer la chasse d’eau ou faire sa douche alors qu’il avait déjà 12 ans », ajoute le beau-père. « Il n’y a rien de dramatique à ce que les parents répètent les choses », tranche le président. Les parents insistent aussi sur le danger que Pierre faisait courir à son petit frère, « lui coinçant les doigts dans la porte ou lui envoyant le ballon dans la figure ».« De toute façon, je ne suis que sa mère biologique », souffle la maman. « Faux , répond le président. Il dit qu’il vous aime mais qu’il n’a jamais eu droit à de l’affection ». Et de citer les expertises psychiatriques qui décrivent Pierre comme un enfant « hypermature, affichant une froideur affective, ayant souffert de maltraitance affective et physique ». Aujourd’hui placé dans un foyer, l’adolescent souffre encore de boulimie et de crises d’angoisse.
« Un enfer à huis clos »
« Elle a cru bien faire , plaide difficilement l’avocate de la maman. Elle voulait son bien même si elle ne faisait pas son bonheur ». La procureure retient surtout « qu’il n’y a aucune prise de conscience. Cet enfant a vécu l’enfer dans un huis clos familial ». Pour violences et mauvais traitement, elle requiert 18 mois de prison, dont six ferme, à l’encontre de la maman, avec obligation de soins. À l’encontre du beau-père, poursuivi pour non-dénonciation, elle requiert six mois de prison avec sursis. Le tribunal met sa décision en délibéré au 20 janvier.Le prénom a été changé et le nom du village n’est pas divulgué pour préserver l’anonymat de l’adolescent.